Il est clair que le miltos était une denrée précieuse sur l’île de Kéa dans le nord des Cyclades. L’île de Kéa considérée par certains agents de voyages comme le « secret le mieux gardé » des (riches) Athéniens, cache un vrai trésor.
Le pigment rouge appelé miltos est un matériau composite. Il est constitué d’oxydes de fer naturellement fins (hématite/goethite) avec de petites quantités de calcite, de quartz et de minéraux argileux. On en parle pour la première fois dans les tablettes d’argile linéaire B de l’âge du bronze.
Les Mycéniens, très conscients des couleurs, avaient de nombreux noms pour le rouge, le miltos étant un rouge avec une teinte pourpre foncé. Il faudra plusieurs siècles avant que les mots clés : Kéa, miltos ne refassent surface dans les annales littéraires.
Le miltos dans l’antiquité.
Au IVe siècle avant notre ère, Théophraste nous donne quelques informations d’utilisation de ce matériau. Pour lui, les constructeurs et les menuisiers l’utilisaient pour tracer une ligne, les ouvriers des chantiers navals pour l’entretien des navires. Par ailleurs, si le miltos venait de l’île de Lemnos, alors il servait comme médicament et contre le poison.
Mais quelle valeur attribuer au Miltos?
D’après ce qui précède, il est clair que le Miltos représentait une denrée précieuse pour l’île. Un décret, émis par Athènes à l’ensemble des trois cités-États de Kéa, exigeait d’exporter les miltos dans son intégralité de leurs mines respectives, exclusivement à Athènes.
Le décret semble inviter ouvertement un esclave à dénoncer son maître, si ce dernier est soupçonné de vendre ses miltos à un tiers. Il stipule que l’esclave gagnerait non seulement sa liberté mais recevrait également la moitié de la succession de ses maîtres !
Découvrez aussi : La cité antique de Karthaia sur île de Kéa.
Une autre inscription contemporaine, émise également d’Athènes, mentionne des miltos mêlés de poix, la miltopissa. Et à une date encore plus tard (3ème siècle Av), l’auteur d’un manuel agricole, les recommande pour la lutte antiparasitaire. Il suggère que ceux-ci devraient être étalés autour des racines des arbres. Et ce, pour empêcher les arbres et les vignes d’être endommagés par des vers ou toute autre chose.
Propriétés biologiques des miltos.
Les miltos sont constitués d’oxydes de fer très fins avec des tailles de particules allant de l’ordre du nanomètre. Ils contiennent également des impuretés de plomb, de zinc, de cuivre et d’arsenic. Mais au-delà de ses composants minéraux, les miltos de Kean avaient également une charge organique.
Nous avons longtemps considéré ce matériau comme un bon pigment rouge « spécial ». Mais depuis le début, cela a été bien plus que cela. Les Athéniens avaient évalué judicieusement ce matériau naturel et, en tant que cité-État toute-puissante, ils imposèrent leur puissance à leurs alliés.
Avec la disparition de l’hégémonie athénienne dans la région, l’importance des miltos de Kean s’est estompée. Pour donner de l’importance à celle de la Cappadoce échangée via son port de Sinope sur la mer Noire.
Les autres mines de Kéa.
Les paysages sont encore plus spectaculaires au sud et à l’est de l’île. Bien que peu peuplée aujourd’hui, cette zone a été une ruche d’activité. A partir du milieu du 19 ème siècle et jusqu’au début du 20 ème siècle. Et ce, en raison des vastes exploitations souterraines des filons de plomb et de minerais de fer.
Aujourd’hui, les cottages des mineurs restent abandonnés, attendant peut-être qu’un acheteur les convertisse en maisons de vacances. Mais le sol sous Petroussa, Orkos ou Trypospilies est criblé de galeries, certaines datant du 4ème siècle avant notre ère.